L’écologie du livre à l’usage des lecteurs
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L’écologie du livre à l’usage des lecteurs
Aujourd’hui le marché français du livre occupe la cinquième place mondiale et ce malgré la pression constante des outils numériques.
On dit « Cocorico la France ! » ?
Et bien non pas tout à fait, car certes,si on peut s’enorgueillir d’une telle offre culturelle, cette boulimie soulève de nombreux enjeux sociétaux et environnementaux.
En effet, pour produire en moyenne 202 900 tonnes de livres par an nous avons besoin de beaucoup de bois, d’eau, de gaz et d’électricité,ainsi que de formidables réseaux de transport et de stockage.
L’industrie papetière est le premier secteur mondial de consommation en eau (l’équivalent des 3/4 du lac Léman) et le quatrième au niveau énergétique.
Comme bien sûr les forêts françaises ne suffisent pas à nos besoins, nous importons du bois et de la pâte à papier issus de forêts brésiliennes, chiliennes, portugaises, chinoises...etc.Nous faisons fabriquer nos livres hors de France, dans la zone UE, en Asie...
Bien sûr, les 68 000 nouveaux titres commercialisés en moyenne par an ne trouvent pas tous preneur. Chaque année, on estime qu’entre 14 % et 20 % des livres neufs seront directement détruits avant même d’avoir croisé le regard d’un seul lecteur, ce qui correspondait pour l’année 2015 à environ 142 millions d’ouvrages supprimés (soit l’équivalent de 40 000 tonnes de papier).
Pourquoi cela ? Parce que“Le monde de l’édition s’est construit sur une logique de surproduction avec deux objectifs : la visibilité et la réduction du coût de fabrication à l’unité».
C’est une économie basée sur l’offre : « les maisons d’édition doivent créer la demande en « inventant » constamment de nouveaux produits. Il s’agit pour les éditeurs de multiplier les titres tout en continuant d’occuper le terrain pour créer un « effet de masse ». La diversification de l’offre est également liée aux évolutions de la consommation. Les lecteurs-consommateurs d’aujourd’hui recherchent des biens personnalisés.
Devant un tel gâchis, fleurissent de nouvelles expressions comme par exemple :« l’écologie du livre », « l’économie circulaire du livre »,ou bien encore « la bibliodiversité »… Mais que signifient ces formules en vogue,qui sont sensées nous questionner sur notre façon de mieux consommer le livre ?
L’écologie du livre
Elles’intéresse à toutes les étapes de la vie d’un livre, depuis sa conception,jusqu’à sa mort (ou plutôt son« pilon»comme on dit dans le « milieu »).
Jusqu’à son pilon oui ! Car un livre, malgré ce qu’il contient, demeure malgré tout un produit manufacturé constitué de papier et de carton. Il est par conséquent, un produit tout à fait recyclable.
Il s’agit d’avancer dans une réflexion d’économie du livre soutenable, en proposant des solutions adaptées aux enjeux actuels, tout en anticipant ceux de demain. L’écologie du livre rassemble à peu près tous les acteurs de la chaîne. C’est à dire les auteurs et illustrateurs, les éditeurs, les papetiers, les imprimeurs, les diffuseurs... La liste est longue avant qu’un ouvrage apparaisse sur les étales d’une librairie ou d’une bibliothèque. On parle de plus en plus d’écologie du livre : dans les formations et les études supérieures destinées aux futurs professionnels, en région, dans les associations de professionnels. On l’évoque aussi dans les médias quotidiens car avec l’augmentation du prix des énergies et la pénurie actuelle de papier, ce thème devient un sujet grand public.
L’écologie du livre se questionne sur les modes de fabrication, les lieux de production et de diffusion, les interdépendances entre les professionnels et les lecteurs... Elle s’interroge sur l’origine du bois : vient-il d’Amazonie, du Portugal? Est-il issu de forêts exploitées en monoculture, un peu comme le seraient nos champs de céréales… Hop, je ne veux pas voir une tête qui dépasse !
Elle se questionne sur les livres qu’elle produit et pour quel prix. Doit-elle commander à la Chine la fabrication de ses albums, ses pop-up, ses petits livres cartonnés destinés à la jeunesse dans le but de réduire les coûts de production?
Doit-elle continuer à produire en masse et hors de France, des livres destinés à sensibiliser les petits et les grands à l’environnement et aux gestes écoresponsables?
Les réponses et les solutions ne sont pas aussi simples qu’elles peuvent en avoir l’air. Tout comme le lait produit en France, conditionné en Chine, avant de revenir sur le territoire national, le monde de l’édition est confronté au marché mondial. La plupart des papeteries françaises fabriquent de la ouate de cellulose pour la transformer en papier hygiénique. Seulement 2 % d’entre elles produisent du papier à imprimer. Il est par conséquent difficile pour les éditeurs et les imprimeurs de trouver du papier made in France.
L’écologie du livre se demande comment moins produire, mieux cibler les demandes afin d’éviter le pilon des livres neufs. Trouver des solutions pour réduire les transports et travailler en circuit court.
Elle se préoccupe de la bibliodiversité.
La Bibliodiversité :
« Inspiré de la notion de biodiversité, le terme « bibliodiversité » fait référence à un ensemble de publications variées dans le paysage éditorial, représentatives d’un système culturel équilibré où toutes les voix peuvent s’exprimer. »
C’est donc un éco-système regroupant les professionnels du livre et les productions littéraires variées dans un milieu donné et à destination d’un public hétéroclite.Pour que ce milieu puisse vivre en toute autonomie, il faut qu’il soit diversifié.
Un peu comme la monoculture agricole qui menace la stabilité des écosystèmes, la bibliodiversité est fragilisée, voir menacée par les surproductions littéraires et par la concentration éditoriale.
Le marché du livre français est en effet dominé par deux grands groupes:
Editis (filiale de Vivendi appartenant à la famille Bolloré), ilpossède les éditionsPlon,Robert Laffont, Julliard, Les Presses de la Cité, Le Cherche-Midi, XO, les formats poche Pocket et 10/18, ainsi que Nathan et Bordas dans l’éditionscolaire...
Hachette(racheté en 1980 par Jean-Luc Lagardère) est lepremier groupe européende l’édition etil occupe la troisièmeplace au niveau mondial.Il possède lesd'éditionsGrasset, Fayard, Calmann-Lévy, Stock, Le Livre de poche, Lattès, Hatier…
A ce moment du récit, on peut rappeler que la famille Bolloré estégalement propriétaire de nombreux médias français que ce soit la presse écrite, numérique et télévisuelle. Elle détient en effetC8, CNews, Canal +, Europe 1… Vincent Bolloré a très ouvertement soutenu la campagne présidentielle d’Eric Zemmour, grâce à ses émissions sur C News. L’ex-candidat publie chezGrasset, Albin Michel (groupeHachette),Le Cherche Midi (groupeEditis).Lise Boëll, l’éditrice historique d’Eric Zemmour a été nommée à la tête d’Europe 1. Acontrario,l’humoriste et chroniqueur Guillaume Meurice s’est vu refuser la sortie de son livre, initialement prévue le 29 septembre 2022 chez Editis, pour s’être moqué de Vincent Bolloré
Ces deux grands groupes détiennent également 70 % de la conceptiondes manuels scolaires et captent l’essentiel de la production de papier à impression.
Se préoccuper de la bibliodiverdité c’est donc de faire en sorte que les éditeurs et les libraires indépendants puissent bien vivre. C’est avoir accès à des textes issus de langues, de cultures et de sociétés variées.Enfin c’est maintenir des distributeurs-diffuseurs également indépendants.
C’est bien beau tout ça, la mondialisation, la concentration éditoriale, la bibliodiversité, l’écologie du livre... mais en tant que lecteur, est-ce que j’ai un rôle à jouer dans cette chaîne du livre ?
Et bien oui, chaque contribution renforce les bases d’un édifice et prépare une économie du livre plus soutenable pour demain.
Un bon livre, c’est comme du bon vin.
Chez mon caviste je cherche le meilleur millésime : je décrypte l’étiquette, je l’interroge pour savoir quel cépage ira le mieux avec la blanquette de veau que je mitonne pour ma soirée entre amis.
Chez mon libraire, je cherche le livre qui correspondra le mieux à mes émotions, mes interrogations du moment, et aux récits que j’aimerais partager plus tard avec mes amis.
Les libraires indépendants connaissent leurs fonds et leurs lectorats. Ils sauront vous faire découvrir la perle rare, pas le produit manufacturé en tête de gondole de supermarché, le fameux « spéciale rentrée littéraire satisfait ou remboursé »
Contrairement à votre grand millésime partagé entre copains, une fois la bouteille vide, elle ne se remplie pas, le livre lui, une fois lu, continuera de vous nourrir et nourrira vos collègues et amis…
Oui cher lecteur, car vous allez devenir un passeur de livre, un peu comme le libraire ou le bibliothécaire.
A vous de bien choisir la pépite qui saura circuler de mains en mains, à vous de vous organiser entre amis, dans votre cercle de lecteurs pour ne pas acheter trois fois le même titre du dernier auteur en vogue mais au contraire de multiplier les formes de récit.
Quelques éléments indicateurs de grand cru sur l’objet livre :
Choisir un livre pour soi ou pour offrir n’est pas toujours une chose aisée.
On se demande d’abord si celui qu’on a en main nous touche par son sujet, nous apporte une nourriture nouvelle ou bien si c’est là une vingtième version d’un même sujet en vogue.
Si le contenu nous interroge, nous passionne, on peut l’acheter en se disant ; « Chouette, je vais pouvoir le faire circuler». Si je n’ai pas trop de copains qui partagent mes lectures et mes passions - ce qui arrive parfois- plusieurs possibilités s’offrent à moi : le don dans une boîte à livre, dans une association ou une entreprise comme Emmaüs, Amaréal, Recyc’livre, des libraires spécialisés dans le livre d’occasions. Car un écrit qui dort sur une étagère est condamné au silence.
Ensuite on regarde l’objet livre, comme on regarderait notre étiquette de vin, la couleur de sa robe. Ici on s’intéresse à la fabrication du livre, comment est-il conçu ?
Par exemple, si c’est un roman et qu’il est divisé en cahiers cousus puis collés dans le dos, ce roman a toutes les chances de résister aux assauts du temps.
Mais cher lecteur, si vous choisissez un livre avec des pages collées et des photos au centre du livre imprimées sur du papier glacé, vous avez toutes les chances pour que ces pages s’envolent avant que d’en avoir fini la lecture.
On regarde donc comment le livre est fabriqué, mais aussi sa provenance de fabrication . Privilégiez la France et l’Union Européenne. En début ou en fin, les éditeurs indiquent en général, la qualité du papier, l’imprimeur et parfois les encres utilisées.
Je m’interroge sur le produit que j’achète. Est-ce que j’ai vraiment envie d’offrir à mes enfants un livre qui leur enseigne comment être de bons citoyens et comment respecter l’environnement alors que pour des raisons budgétaires il a été conçu en Chine, en Indonésie ? Est-ce utile d’acheter un livre cartonné, un pop-up qui a fait le tour de la planète ? Idem, pour les livres destinés au public adulte : Est-ce que j’ai envie de lire un auteur qui me parle de philosophie, de sociologie, de D.I.Y., de cuisine et potager bio ou même un bon roman, s’il est produit en masse, à des milliers de kilomètres de chez moi ?
N’ayez pas peur d’un livre aux couleurs un peu jaunies, le blanchiment du papier est l’étape la plus polluante dans la fabrication du papier.
Créez des cercles de lectures, pour partager, échanger vos livres, venez rencontrer des libraires indépendants qui font des choix plus diversifiés et plus ciblés. Ils mettent en valeur des petites maisons d’éditions qui ont une production plus vertueuse et une ligne éditoriale spécifique. Ils vous parleront avec passion des nombreux auteurs qui ne passent pas à la Grande Librairie.
En faisant le choix de consulter des petits libraires et des bibliothécaires, j’encourage la diversité littéraire, la circulation des œuvres et des idées. J’influence les éditeurs par mon pouvoir d’achat. J’encourage la liberté d’expression et des arts, je limite le monopole tentaculaire des grands groupes éditoriaux, des diffuseurs.
Et oui, cher lecteur, vous ne pouvez pas révolutionner le monde de l’édition mais par votre curiosité littéraire, vous contribuez à une économie du livre plus soutenable. En devenant passeur de livre vous participez à son économie circulaire.
L’économie circulaire du livre :
Les bibliothèques jouent un très grand rôle dans l’économie circulaire du livre, même si elles n’achètent encore que 2 % de la production annuelle de livres.
Les bibliothécaires sont des personnes ressources dans la promotion et les animations de la lecture publique.
Lorsqu’un livre sort des collections, il est dit « désherbé ». On désherbe pour faire de la place et pour pouvoir intégrer de nouveaux titres suivant deux critères principaux : on retire les livres défraîchis ou dont le contenu est périmé. Lorsqu’ils sont encore en bon état et qu’ils présentent toujours un intérêt, ils commencent parfois ce qu’on appelle la « seconde vie ».
En bibliothèque, la seconde vie du livre commence donc lorsqu’un ouvrage est « désherbé ». Il est mis soit dans une boîte à livre, soit en don aux associations locales ou aux écoles, aux acteurs de l’économie sociale et solidaire (Amaréal, Recyc’Livre…) ou bien il est vendu à la braderie organisée par la bibliothèque.
Si le livre est trop abîmé ou que son contenu est obsolète, il sera détruit. Bien trop souvent il finit brûlé. S’il était bien trié, il serait recyclé en pâte à papier.
Il faut savoir que depuis janvier 2022, le papier n’est plus considéré comme un déchet mais comme de la matière première, c’est pourquoi tout livre jeté dans la poubelle de tri jaune (voir bleue) a pour obligation d’être recyclé au même titre que les emballages carton. On estime entre 5 et 7 fois ses possibilités de recyclage.
Le livre a comme particularité d’être conçu avec du papier de bonne qualité. Il est très recherché par les papetiers recycleurs même si seulement 2 % des fibres recyclées servent à la production de nouveaux livres.
Vous savez donc cher lecteur ce qu’il vous reste à faire si vous faites le choix de vous débarrasser de la bibliothèque Sélection de France de votre grand-mère…
Grâce à cette économie circulaire du livre, de nouveaux libraires voient aussi le jour. Ils se spécialisent dans les ouvrages d’occasion.
En espérant que ce texte vous aura éclairé sur ces nouvelles terminologies et sur les enjeux actuels d’une nouvelle économie du livre. Vous trouverez dans les pages suivantes les différents labels de papier ainsi qu’une liste exhaustive d’éditeurs éco-engagés qui sauront nourrir votre curiosité.
En vous souhaitant de bonnes lectures.